mardi 18 août 2009

L'autosuffisance alimentaire de l'Asie en question

En 2050, le continent le plus peuplé de la planète pourrait importer le quart de sa consommation de riz si l'agriculture irriguée continue de gaspiller les ressources en eau.

Si des réformes majeures dans la gestion de l'eau et de l'irrigation ne sont pas engagées rapidement en Asie, la plupart des pays devront importer un quart du riz et du blé dont ils auront besoin en 2050. C'est le principal message du rapport que l'Institut international de la gestion de l'eau (IWMI) présente mardi matin à la Semaine de l'eau organisée à Stockholm (Suède). Le continent compte actuellement 4,2 milliards d'habitants et il aura alors 2,5 milliards de nouvelles bouches à nourrir. La demande asiatique d'alimentation humaine et animale devrait doubler dans les quarante prochaines années.

L'irrigation tient une place centrale dans l'agriculture asiatique. Un tiers des surfaces agricoles (34 %) sont irriguées en Asie contre seulement 8 % en Europe et 10 % en Amérique du Nord. Le riz et indirectement l'eau sont la principale ressource alimentaire de la Chine (1,3 milliard d'habitants) et de l'Inde (1,1 milliard).

Les limites de la «révolution verte»

Dans ces deux pays où la culture du riz irrigué a permis l'autosuffisance alimentaire à partir des années 1970, les recettes de la «révolution verte» (irrigation, engrais, semences à haut rendement) sont en train de montrer leurs limites. Les nappes phréatiques sont polluées et leur niveau est descendu de façon dramatique au cours des dernières années.

La suite sur : Le Figaro.fr

Inde : Secheresse historique

Le premier ministre indien, Manmohan Singh, a convoqué, lundi 17 août, l'ensemble des chefs de gouvernement régionaux pour une réunion de crise sur la sécheresse qui frappe le pays. Le département météorologique indien a indiqué, le 13 août, que les précipitations, étaient inférieures de 29 % à la normale saisonnière. Sur les 626 districts que compte l'Inde, 177 sont touchés par une sécheresse, qui pourrait être la plus importante de ces vingt dernières années si les précipitations n'augmentent dans les prochaines semaines. Le pays reçoit 90 % de ses pluies lors de la mousson, qui s'étale de juin à septembre.

La chaîne de télévision CNN-IBN rapporte que, dans l'Etat du Bihar, des paysans armés de fusils protègent leurs sources d'irrigation et surveillent les canaux pour empêcher que leurs cours ne soient détournés vers d'autres exploitations. Dans le district de Bundelkhand, l'un des plus pauvres du pays, situé dans l'Uttar Pradesh, des familles entières de paysans ont commencé à quitter leurs terres pour rejoindre New Delhi.

Avec des canaux quasiment à sec, les agriculteurs ont massivement recours à l'eau des nappes phréatiques. Mais l'usage des pompes à eau, réservé aux plus aisés, s'avère trop coûteux dans certains cas, la vente de maigres récoltes ne permettant pas de couvrir les dépenses en kérosène ou en diesel. Le ministre indien de l'agriculture, Sharad Pawar, a laissé entendre que le gouvernement subventionnerait les tarifs de l'essence, pour "sauver les plantations existantes".

Neuf Etats sont affectés par la sécheresse. Le Bihar, parmi les plus touchés, a demandé 3,3 milliards d'euros d'aide au gouvernement pour faire face. Un comité national de gestion de crise, dirigé par le ministre de l'économie Pranab Mukherjee et comprenant dix de ses collègues, a été mis sur pied.

Le premier ministre a promis d'accorder un délai supplémentaire aux agriculteurs qui doivent rembourser des emprunts contractés auprès d'établissements publics et de contribuer à une partie de la charge de leurs dettes. Mais les paysans sont encore nombreux à emprunter auprès d'usuriers peu scrupuleux et l'absence de récolte peut conduire à des drames. Plusieurs cas de suicides de paysans ruinés et endettés ont déjà été recensés dans l'Andhra Pradesh, au sud du pays, depuis le début de la sécheresse.

Même si les mesures d'urgence sont nécessaires, de nombreux analystes plaident pour la mise en oeuvre de réformes structurelles. Car les agriculteurs ne bénéficieront que d'une partie des milliards de roupies dépensés pour leur venir en aide. Dans un livre au titre évocateur (Tout le monde aime une bonne sécheresse), publié en 1996, le journaliste Palagummi Sainath a montré comment les programmes d'aide aux victimes de la sécheresse sont minés par la corruption.

"Le comité de gestion de crise doit résoudre les problèmes immédiats, mais aussi concevoir un plan à long terme qui permette de faire face aux défis posés par la sécheresse", explique Monkombu Sambasivan Swaminathan, directeur de la commission nationale des fermiers. Cet ingénieur agronome préconise la culture de patates douces ou de variétés de maïs moins gourmandes en eau, ainsi que la construction de bassins dans chaque village, pour récolter une eau de pluie d'autant plus précieuse que les nappes phréatiques, surexploitées, sont menacées d'épuisement.

La sécheresse renforce les difficultés d'un secteur agricole déjà en crise. Sa croissance - de 4,9 % lors de l'année fiscale 2007-2008 - est retombée à 1,6 % en 2008-2009. Même s'il ne contribue plus qu'à hauteur de 17 % au produit national brut indien, contre 55 % en 1950, ce secteur continue de faire vivre 60 % de la population.

Le ministre de l'agriculture a demandé aux Etats d'engager sans attendre des travaux d'infrastructures, comme la construction de réservoirs d'eau ou de réseaux d'irrigation, afin de donner du travail aux ouvriers agricoles. Le plan de garantie de l'emploi rural, financé par le gouvernement, assure un minimum de cent jours de travail aux habitants des campagnes.Avec 51 millions de tonnes de réserves de blé et de riz, les autorités indiennes ne craignent pas de pénurie alimentaire. Le gouvernement envisage cependant d'interdire les exportations de blé et de riz non basmati. Le système de distribution public propose déjà des denrées alimentaires de base, à prix réduits, aux habitants qui vivent sous le seuil de pauvreté. Mais le programme, gangrené par la corruption, n'assure pas une alimentation suffisante à ceux qui en ont le plus besoin. Les produits sont revendus au marché noir, et des centaines d'Indiens continuent de mourir de faim chaque année.

La situation pourrait s'aggraver si les prix des denrées alimentaires continuaient d'augmenter, après une hausse de plus de 10 % enregistrée depuis juin 2008. Les prix des pommes de terre, des lentilles et du sucre ont même augmenté de plus de 30 % depuis juin 2009. "Tous les efforts seront faits pour contrôler la hausse des prix des céréales, des légumes et autres produits de consommation courante", a assuré le premier ministre

Source : Julien Bouissou, LeMonde.fr